Comme promis voici quelques notes après la lecture de l' ouvrage d' HUBERTINE AUCLERT
sur la condition féminine en Algérie. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5461656c/f2.image
le lien conduit à l' exemplaire numerisé de la Bibliothéque Nationale et vous permet de découvrir
le site de numerisation gallica
Hubertine Auclert connut un amour très platonique avec son avocat Antonin Levrier,ce dernier
très épris lui fit plusieurs fois sa demande (en mariage) qu elle refusa pour des raisons
essentiellement idéologiques. Elle ne voulait pas être depossédée de ses droits civils :
la femme mariée étant considérée comme mineure,sous tutelle de son mari. Mais elle
souffre trop de sa séparation d' avec A Levrier quand celui ci est nommé juge à Tahiti;
aussi elle accepte le mariage pour le suivre quand il est nommé en Algérie.
C' est en tant que femme de juge qu'elle passe 4 ans en Algérie de 1888 à 1892 Cette
position (épouse d' un juge ) va lui permettre une enquête minutieuse sur le terrain.
Cet ouvrage Femmes Arabes en Algérie qui vient d' être republié en 2011 plus de cent ans
après sa publication initiale,bénéficie d' une excellente préface de Denise Brahimi,
Je ne pourrai que paraphraser cette "introduction" de D.Brahimi aussi ce n' est pas une
fiche de lecture que je peux vous proposer mais quelques notes,quelques réflexions assez
désordonnées.
La fin du XIXème c' est l' époque de la colonisation, de la mode de l'exotisme et de l'orientalisme.
Orientalisme dans les beaux arts,des milliers de tableaux qui décorent les intérieurs bourgeois,
scènes de harem,femmes alanguies,luxe,calme et volupté. Des scènes de fantasia ,portraits
de guerriers farouches....Tous les peintres depuis Delacroix rapportent ces visions de l'Algérie.
mais cette mode orientaliste dans la peinture,la littérature n' offre qu'une vision idéalisée d' un
monde exotique où les regles de vie européennes n' ont pas d' objet.
Ici la vision orientaliste et érotique que Gerome donne de cet orient rêvé et fantasmé
Ce n' est pas celle que nous offre Hubertrine Auclert dans son "retour d' Algérie"
Elle écrit en tant que journaliste et militante.
Journaliste car cet ouvrage se présente comme une suite de chroniques,sans beaucoup liens entre
elles ,si ce n' est l' Algérie C'est un ensemble de témoignages qui auraient pu rester anecdotiques,des
chroniques de voyages mais elle a chaque fois une vision plus globale du sujet.Certains chapitres
ont un surprenant intérêt comme analyse sociologique. Etude des mœurs ,des coutumes,des lois,
de la production artisanale,des costumes,des bijoux. C' est le compte rendu d'une observatrice
privilégiée de la société indigène.Privilégiée par sa position sociale: femme de juge,ce qui lui
permet de pénétrer dans l' intimité des femmes en tant que femme et comme codétentrice de
l'autorité coloniale.
Mais elle est avant tout une militante féministe et ces informations qu' elle nous fournit servent à
étayer un discours politique et c' est ce discours sous- jacent qui donne l'homogénéité à l'ouvrage.
La femme qu' elle présente,suivant Victor Hugo,comme l'esclave de l' homme est ici en tant que
femme arabe ,l'esclave des esclaves. Elle s' attaque avec virulence au système de polygamie,de
mariage des enfants de séquestration des femmes et les lois qui régissent le mariage chez les
musulmans. Elle accuse surtout le gouvernement français de tolérer le sort fait aux femmes et la
non éducation des filles pour profiter de ce conservatisme , maintenir un système féodal et ainsi
avoir les mains libres dans son "œuvre colonisatrice"
Hubertne Auclert a une position anti colonialiste ce qui à la fin du XIXème est exceptionnel.
Elle demande une représentation démocratique des indigènes :arabes et kabyles alors que
leurs représentants sont nommés parmi les chefs coutumiers
"il est indispensable que les indigènes d' Algérie soient armés du bulletin de vote"
"les intérêts du peuple arabe et de ses chefs était diamétralement opposés"
la thèse d' Hubertine Auclert est que l'intégration des deux peuples et des deux cultures ne peut
réussir que par l' égalité des droits (dont le droit de vote) et surtout par l'éducation des filles.
Dans cet essai on trouve de très nombreux détails sur la vie indigène qui sont rapportés analysés
avec empathie et ce sont ces chapitres qui donnent de l' agrément à cette lecture
Hubertine Auclert eut des rapports étroits avec ces femmes arabes dont elle décrit la vie,le costume,
les industries,les habitudes alimentaires ,la médecine populaire.Je ne peux qu'imaginer avec un
sourire cette grosse femme avec son bustier et ses robes longues et son ombrelle parmi les
femmes du douar volubiles et accueillantes .Comment communiquaient elles, avait elle des interprètes?
Un autre point me turlupine (il faut dire m' interpelle)c'est son rapport à la sexualité. Hubertine Auclert
fut sans doute une vierge rouge (ou rose) cela ne l'empêche pas d'analyser la sexualité en Algérie.
Elle le fait dans la description de la vie polygame,la prostitution,la prostitution des enfants ;il est
même un chapitre intitulé "Où la prostitution est un sacerdoce" où elle décrit le rôle de la tribu
des Ou-lad-NaÏls.
pour terminer je vous dirai que ces petits textes sont euphorisants ,Au delà des revendications on sent
l' intelligence de l'auteur avec son sujet ,l'empathie sans aucune condescendance...