Je vous avais prévenu : l' exposition Bissière au Musée de Lodève est un des évènements
majeurs de l' été . Pourquoi ? En effet il est rare qu' un peintre important par son œuvre
passe aussi discrètement ,reconnu mais juste ce qu' il est nécessaire par le monde de la
culture , juste ce qu' il faut pour que l' on ne dise pas être passé à coté d' un artiste
important dans son siècle
Je me permettrai de comparer le destin de Bissière à celui de Delteil : tous deux
provinciaux faisant leur formation et leur premières armes à Paris , obtenant un début de
consécration et retournant vivre leur vie d' homme dans le pays , le paysage, de leur
enfance , loin du tumulte et des préoccupations de Babylone . Tous deux tentant dans
la recherche de leur vérité la voie rude de la vie simple et d' un ascétisme hédoniste .
Cette exposition est une rétrospective , elle montre le cheminement d' un créateur sur plus
d' un demi siècle ? On y voit les œuvres de "jeunesse " ,cette période d' apprentissage qui
dure jusqu' à ses 50 ans ... On y sent les influences : Césane surtout et aussi Braque et
Picasso dans certains nus . Il est dans l' air du temps , sa production très Art-déco lui donne
reconnaissance et aisance .
TOUT LE PASSE N'EST QUE CHEMINEMENT . MA JEUNESSE A COMMENCE à SOIXANTE ANS , C' EST ALORS SEULEMENT QUE J' AI FAIT QUELQUE CHOSE DE VALABLE .
Voici comment avec humilité Bissière considère sa production antérieur à 1946 .
A la fin des années 30 il s' éloigne de ses occupations parisiennes ; avec l'
entrée en guerre , puis l' occupation Bissière se replie à Boissierettes ,propriété
qu'il a hérité de sa mère . Il y séjournera toute la période de guerre avec Mousse
sa femme et Loutre son fils .
Une ligne pour parler de Loutre ce fils né en 1926 . qui enfant accompagne son père dans
sa recherche et deviendra ce peintre qui signait Loutre B. lien
http://imago.blog.lemonde.fr/2012/04/09/hommage-a-louttre-b/
Donc Bissière vit dans le Lot un rève bucolique et frugal , élevant ses vaches ,soignant
ses abeilles . cette époque de la guerre n' est pas une période de production artistique,
Peut etre a t il besoin de se vider de ses connaissance ,retour vers une innocence ,loin
de ses talents de critique littéraire et artistique ,de ses années d' enseignement à l'
académie Ranson . C' est cet homme nouveau qui offre à partir de 1946 cette part si
personnelle de son œuvre .
On a beaucoup parlé de ces grilles ,ces trames qui structurent ses œuvres . Est ce une
armature graphique qui lui permet après de poser les touches de couleur mainte fois
remaniées superposées . Une video présentée à Lodève nous montre Bissière au travail
plusieurs pinceaux en main posant les couleurs sur la toile .
Dans ce nouveau langage il utilise des idéogrammes ,logés dans des cases des œuvres.
Ce sont ces idéogrammes qui sont reproduits un peu partout sur les trottoirs avoisinant le
Musée .Quand l' exposition sort du musée et envahit la ville C' est assez bien venu ;
certaines œuvres de Bissière s' apparente par avance au street art .La Venus Noire de
1946 fait songer aux Basquiat de 1980
jaune et gris , peinture à l' oeuf année 1950 ici ces idéogrammes "écriture" de Bissière à partir de cette période
Bissière artiste en recherche
" Ne cherchez pas à faire un dessin ou un tableau <<réussi>> cela n' a aucun intérêt
Cherchez plutôt à apprendre quelque chose et à faire un pas en avant ".
Bissière s' est essayé dans de nombreux domaines ; ici la peinture à l' œuf qui permet des
couleurs plus vives , plus de brillant . l' architecture : c' est lui qui fait les plans de sa maison
construite en 1924 au 41 square Montsouris . Avec Mousse, sa femme, il réalise des
tapisseries ,utilisant la technique du patch work ; en voici un exemple?
Il sculpte également ; chapiteaux pour Boissierettes et assemblage d' objets pour figurer
un christ , un oiseau....un cerf- volant en forme d' ange .
Pour l' édition de livres rares il grave des bois : ce sont ceux de " Cantique à notre Frère
Soleil " de st François .François d' Assise qui restera au long de sa vie un Maitre .
Il essaye tous les supports : panneaux de bois , huile sur papier marouflé sur bois , et
meme la toile à matelas tendue sur des chassis rustiques .
Il utilise l' huile et la peinture à l' oeuf ,le fusin ,l' encre ,le brou de noix ,la gouache ,la
technique du papier découpé .
Oeuvre diversifiée qui aboutit à la fin de sa vie à ce ruissellement de couleurs .
Une amie qui visitait cette exposition avec moi me dit ....je vais dire une c....mais cela
me fait penser à Klint . Moi aussi j' avais ressenti cette correspondance .
Chez Klint on voit ce genre de juxtaposition de taches de couleurs et formes géométriques
qui se voudraient vêtements , tissus pour recouvrir ou exalter la beauté de ces corps
alanguis et qui sont des œuvres en elle-même .
Pour la fin voici le plus émouvant .le 13 octobre 1963 décède Mousse ,la compagne d' une
vie ; Pour se sortir de sa douleur , la magnifier ,Bissière crée durant deux ans ce qu' il
appelle " le journal " Une série d' œuvres de formats équivalent: environ 35 X 25 .
C' est plus qu' un testament , c' est l' aboutissement d' une vie de recherche . Ces petits
formats à eux seuls justifient que vous vous déplaciez à Lodève
Bissière meurt à Boissierettes le 2 décembre 1964