Je me sens de plus en plus ringard....et je vous entends persifler: ringard
comme c' est tendance!!! Voila ce qui m' arrive:pour occuper une nuit d'
insomnie j' ai pris un roman sur l' étagère la plus proche ,il était relié en vert
et semblait très fréquentable . Octave Mirbeau j' ai du parcourir ce Journal d'
une Femme de Chambre mais je ne l' ai de fait jamais lu...J' ai du seulement
en lire des passages pour retrouver l' atmosphère du film de Bunuel le
souvenir du beau visage de J Moreau si bien photographié.
Pour moi Mirbeau cela correspondait à la littérature de l'avant 1914 un monde
très éloigné mais pas assez pour présenter un intérêt par son étrangeté;un
style de récits et d' écriture pesant qui ne correspond plus à la manière d'
de sentir et d'écrire de notre début de siècle.
Au diable ce préambule;tout cela pour dire que je me trompais et que ce Journal
d' une Femme de Chambre m' a fait passé une nuit blanche et je ne l' ai posé que
lorsque le soleil était déjà haut.
Comment un homme comme M irbeau a t il pu ecrire le journal d' une femme de
chambre? Déjà un certain nombre d' écrivains ont écrit en endossant les habits
féminins. Les lettres de la Merteuil dans les liaisons dangereuses ou les personnages
de Balsac,Stendhal,et bien sûre Flaubert, Madame Bovary c'est moi.
Ici Mirbeau pénètre l'intimité de son personnage, dans ses pensées les plus
secrètes.dans l'expression de sa sexualité.L'ouvrage a certainement fait scandale
à sa parution et il sentait le soufre .Déjà donner la parole à une domestique lui
permettre de dévoiler les secrets inavouable de ses maîtres n' est ce pas scandaleux?
A l'époque le côté scabreux des confidences de Celestine,la multiplicité des
rapports sexuels,consentis il est vrai mais obligés, contraints -c'est ça ou la rue ma
fille-....a certainement gauchi la manière dont a été reçu l' ouvrage..
De nos jours l'aspect scandaleux s' est déplacé.Ce qui nous choque c' est la
description de la condition ancillaire.A de nombreuses reprises Celestine
hurle son désespoir d' etre moins considérée que le chien ou le perroquet.
On prétend qu' il n'y a plus d' esclavage...Ah!voila une bonne blague....Et les
domestiques,que sont ils donc eux ,sinon des esclaves?.
L' interet du "roman",ce journal que Célestine entrecoupé des nombreux souvenirs
de ses multiples places.réside dans le dévoilement du caractère de la chambrière.
C'est un être complexe,paradoxal
Ainsi elle s'éprend d'un adolescent tuberculeux qui mourra dans ses bras ,d'un
jeune-homme cynique très"canaille" mais aussi liera son sort à celui d' un homme
rustre et secret ,dont la force brutale la subjugue.
Elle hait sa condition mais regrette son service dès qu' elle n'a plus de "place"
et avoue son instabilité,son insatisfaction permanente.
C'est drole et c' est triste...j'ai toujours eu la hate d' etre "ailleurs"une folie d' ésperances
dans ces chimériqes ailleurs,que je parais de la poésie vaine,du mirage illusoire des
lointains.
Dans ces rapports aux maîtres il y a aussi souvent un sentiment de haine qui va jusqu'
au désirs de meurtre...
Quelques fois,en coiffant mes maîtresses,j'ai eu l'envie folle de leur déchirer la nuque,
de leur fouiller les seins avec mes ongles.....
les cadeaux que rêvent les domestiques lors d' un mariage
Baptiste,le valet de chambre :un bidon de pétrole allumé sous le lit
Celestine mes ongles...dans les yeux
le maître d'hotel un flacon de bon vitriole à l'Eglise
le jardinier après la mort de sa femme
je les aurais étranglés avec joie...,une joie!...et puis je n' ai pas osé
Cela ne fait il pas songé aux bonnes de J Genet et au fait divers qui l'a inspiré.?
Il existe un souffle de contestation social tout au long du livre: c'est la voix de Mirbeau
au travers de celle de Celestine link.Ici un lien vers un site qui vous dira tout sur O Mirbeau
Bien sûre il régle des comptes surtout avec P Bourget qu' il démolit tout au cours du journal,
lui consacrant un grand nombre de paragraphes
Je ne m(occupe pas de ces âmes là,dit-il...ce sont de trop petites âmes...ce ne sont pas
des âmes....elles ne sont pas du ressort de ma psychologie....
Je compris que,dans ce milieu,on commence à être une âme qu'à partir de cent mille francs
de rentes....
Il y en a des pages de ce ton...il lui taille vraiment un habit à ce P Bourget.Mais qui lit P Bourget
de nos jours? c'est là,la revanche!
O. Mirbeau était Dreyfusard .Il ne l' affirme pas de front ,il préfère ridiculiser les réactionnaires,
montrant la collusion entre les anti-républicains de tous poils:royalistes ,anti-sémites,
défenseurs de la patrie,de l' armée,de l'église.
Ces réactionnaires il les trouve chez les domestiques qui pratiquent la violence verbale
et à l'occasion leur bras pour assister les nervis anti sémites.
Joseph Ah! si j' étais à Paris,bon Dieu!...J'en tuerais ....j' en brulerais...j'en étriperais de ces
maudits youpins...
Et Jean que Celestine aima tendrement.........Un autre soir ,à la sortie d'une réunion Dreyfusarde
où la comtesse l'avait envoyé,afin de casser des gueules de cosmopolites, il avait été emmené au
poste ,pour avoir conspué les sans patrie,et crié à pleine gorge:"Mort aux juifs!...Vive le Roy!...
Vive l'armée!....
Mais ces domestiques affichant leurs"idées"savent en profiter pour en tirer des avantages matériels.
Avec la voix de Celéstine, Mirbeau offre une description sans fard de l' univers des bourgeois et
de la noblesse ,de leurs tares et de leurs vices.Là aussi il règle des comptes et à la parution de
l'ouvrage les lecteurs cherchaient les clefs de lecture :qui est qui?
Certains ont pu dire que le Journal était un voyage au bout de la nausée. Franchement je ne le
trouve pas,ou la nausée serait provoquée par cette atmosphère anti-sémite de cette fin de siècle.
Je trouve plustot que cette lecture si elle est éclairante quant à la condition de la domesticité
féminine a un aspect très revigorant .Celestine belle et intelligente ,comme une chatte retombe
toujours sur ses pattes et elle presente un appétit de vivre réjouissant .
IL y a aussi la langue de Celestine ,son écriture est fluide,jamais de vulgarité;elle utilise l' imparfait
du subjonctif juxtaposé à un vocabulaire populaire.D'ailleurs ces mots populaires se trouvent plus
quand elle retranscrit des conversations. Bien entendu c'est la langue de Mirbeau ;dans la préface
il annonce que sur l' insistance de Mlle Celestine R il a accepté de revoir le manuscrit .
Mlle Célestine R...était fort jolie.Elle insista.Je finis par céder,car je suis homme,après tout....
Voila Octave Mirbeau a été une des victimes des charmes de sa création...un nouveau Pygmalion!!!!